"Et pourtant je vous dis que le bonheur existe" (Aragon)

Des nuits et des nuits que je m’endors dans les bras secs et muets de mes draps. Des nuits et des nuits que mes mains caressent une peau qui n’est pas la tienne, que mes sens cherchent ta présence, que j’ai froid d’être loin de toi.

Et ces matins, cruels, insipides, qui ne remplissent pas les promesses de mes rêveries nocturnes… On dit que pour les insomniaques, il devient impossible avec le temps de faire la part des choses entre le rêve et la réalité… J’ai peur de t’avoir rêvée. Idéalisée, c’est certain, mais imaginée ? Ce sourire tantôt timide, tantôt franc, ces yeux qui reflètent chacune de tes émotions bien malgré toi (peur, désir, incompréhension, humour, éloignement, tendresse…), ces cheveux en rébellion consentie, ces grains de beauté sur ta nuque qui appellent mes lèvres, ta main, si fine, si légère…

S’il faut fuir ces frustrations matinales, fuyons donc. Et quoi de mieux pour noyer ses rêves que les flots mélancoliques de la méditerranée printanière ?

La route se fait charmeuse, elle s’offre sans pudeur au soleil et à ma course, et quand elle s’ouvre enfin sur l’étendue bleue et paisible devant, je regretterais presque de devoir m’arrêter. Les pieds nus, je m’enfonce dans le sable à peine tiède de ces dernières heures de mars. Quelques téméraires, probablement des étrangers, exposent leurs peaux blanches et inexplicablement nues à une légère brise marine qui me fait fermer ma chemise. Je retrousse mon jean pour aller constater que, oui, bien évidemment, l’eau est encore beaucoup trop froide !

Il n’y a personne sur la jetée. Pas un marin du dimanche. Pas de jeunes gens venus faire résonner leurs guitares. Pas même une mouette à l’affût des miettes d’éventuels pique-niqueurs, absents eux aussi. A croire que tout le monde a mieux à faire que de profiter de la Côte d’Azur en ce week-end pascal…

Les yeux fermés, je m’allonge sur les pierres irrégulières et inconfortables, mais bizarrement, je trouve tout de suite une position agréable. Sans que je comprenne pourquoi, la tête me tourne. Et quand j’ouvre les yeux, c’est pire. Je les referme donc et respire une profonde bouffée d’air marin. Ici aussi, c’est ton visage que je vois apparaître sous mes paupières. Peu importe finalement. Je suis bien.

J’ai à peine conscience du temps qui passe. Je voudrais m’endormir là, et peut-être me laisser emporter par les vagues à venir… Mais des rires me tirent de mes rêveries. J’ouvre un œil, je relève la tête. Un nouveau groupe est arrivé sur la plage. Une demi douzaine de jeunes gens ont déployé leurs serviettes et ont sorti tout un attirail ludique. Deux jeunes hommes s’emploient à impressionner tout le monde en faisant habilement jongler un ballon sur leurs pieds, cuisses, épaules ou têtes. Deux jeunes filles applaudissent en riant alors que deux autres se sont lovées dans les bras l’une de l’autre et s’échangent des confidences dans un clin d’oeil entendu.

Je ne peux m’empêcher de me fendre dans un sourire triste mais complice.

La tendresse qui émane de leurs corps, de leurs gestes, ne trompe pas. Pourquoi la reconnaissance d’un couple lesbien me touche-t-elle davantage que celle d’un couple hétéro ? Je m’en veux presque de faire une distinction entre les deux parce qu’Amour est Amour, il est beau, puissant, et admirable qui qu’il pointe de sa flèche affûtée. Pourtant, c’est un fait, je suis touchée. Emue. Je surprends un furtif baiser entre elles et je décide qu’il est temps pour moi de rentrer.

Ici, l’heure n’est plus aux rêveries mais aux exigences du concret, celui des gens, celui des autres… mais aussi un peu le mien, d’une certaine façon. Etrangement, je repars satisfaite. Tu serais fière de mon sourire.

18 commentaires

  1. C’est pas le printemps partout malheureusement parce que ça serait bien que les filles soient autant habillées que la dernière photo (enfin en plus sort) 🙂 😀

    Le texte est très beau, rempli de nostalgie *__*

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  2. Ok, alors cette fois, tout est de moi @Gwen . Sauf les seins… (et la photo des seins. Non parce que quand même, j’aurais pas osé… quoi que…)
    Et pas le printemps non plus, hein ?!
    Bon d’accord, en fait, j’ai pas fait grand chose…

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  3. Ce que j’aime le plus dans tous tes textes c’est cette sensualité et douceur que tu sais si bien partager que lorsqu’on arrive à la fin j’en suis si triste que soit déjà terminé…

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  4. C’est révoltant cette aisance du verbe. Charmant, outrageant, qui êtes -vous ? Fascination ou pas ça pique le derme et la curiosité… je dirais qu’attend-on des autres si ce n’est l’affrontement d’une distance et d’une intimité ?

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  5. Je dirais qu’attend-on des autres si ce n’est l’âpreté, l’affrontement d’une distance et d’une intimité ? Ce n’est pas tant l’aisance du verbe qui intrigue c’est ce qu’elle maquille… Les seins quant à eux, je n’ai pas été présentée..

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  6. @nala0805 : Pour un peu, j’aurais presque envie de présenter mes excuses… 😉
    Ce qui est merveilleux dans ce que l’on attend des autres, c’est que ça n’est jamais (ou que trop rarement) assouvi dans sa juste mesure (et je dis cela sans amertume). D’où la possibilité de l’écriture !

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  7. Et comme je n’avais pas vu le second commentaire, j’ajoute qu’on ne me démaquille pas si facilement ! Quant aux seins… à mon grand regret, ils sont anonymes, même pour moi (et si ça n’était pas le cas, aurais-je partagé ?)

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  8. Bonjour,
    Merci pour vos textes que je découvre avec plaisir.
    Tout particulièrement, merci pour celui-là, qui vient rejoindre ma propre expérience actuelle. Renaître de l’absence, de la douleur… Des mots-pansements qui pensent, c’est aussi cela l’écriture.
    Longue vie à ce blog !
    Fennec

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  9. @pucedepoesir J’avais du temps libre, je suis donc partie à la découverte de tes anciens post et j’aime beaucoup celui-ci ! C’est… Beau. J’adore le texte et les photos, surtout la dernière ! Oh vouuii j’adooore la dernière !!! 😀 😀
    Mais je ne suis pas la seule apparemment… 😉 😀

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