Vacances, canicule et Visiobulle (chap.4)

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3


Chapitre 4

 

Ce ne sont pas les klaxons qui me réveillent, ce matin, mais la faim. Les gargouillis retentissants de mon estomac me rappellent que je me suis couchée sans repas digne de ce nom.

Hier soir, après m’être malencontreusement endormie pour une sieste de près de quatre heures, je suis sortie en quête d’un second service dans un boui-boui quelconque. Mais ce que j’ai pu découvrir du « Juan-les-Pins by night » m’a bien vite fait oublier mon objectif.

Au pied de l’immeuble de Marc, la rue était presque calme. Une douzaine de personnes, par petits groupes de trois ou quatre, ne faisaient que passer. Et tous allaient dans la même direction. Alors je les ai suivis. C’est ainsi que j’ai découvert le cœur de la ville et sa fameuse Pinède Gould.

Les artères du centre ville regorgeaient de monde. Peut-être plus encore que dans la journée. Mais le soir, tous étaient sur leur trente-et-un. Et plus surprenant encore : la plupart des magasins étaient ouverts. Les vitrines paraissent plus lumineuses les unes que les autres et proposaient, en cette période de soldes, le top du top de la mode, le nec plus ultra du prêt-à-porter, le summum de la branchitude. Maillots de bains ou costards-cravates, robes de plages ou robes du soir, tongs ou escarpins aux talons vertigineux : toutes les marques en vogue saturaient les devantures.

Mais les boutiques n’avaient pas autant de succès que les restaurants ou les bars. Tout semblait bondé. Pire encore, les snacks et les glaciers présentaient des files d’attentes de plusieurs dizaines de personnes. J’ai tant bien que mal traversé la foule, sans oser m’arrêter nulle part. La pinède, que j’avais repérée au loin, est apparue brusquement.

La masse grouillante et dévorante ne l’épargnait pas : chaque banc débordait de mangeurs de glaces, de crêpes ou de churros. Mais contrairement au flot continu qui animait chaque centimètre carré des rues, les allées de la Pinède étaient relativement calmes.

Là, l’éclairage était un peu moins vif et, entre deux attroupements de touristes squattant les bancs, j’ai pu profiter de ma promenade. Le sol était sec et les épines de pin craquaient sous mes pieds. Leur odeur significative contrastait très agréablement avec les relents gras qui imprégnaient les rues. En m’enfonçant dans le parc, j’ai remarqué de grandes palissades noires derrières lesquelles je distinguais des gradins. Des affiches, proposant plusieurs portraits de gens plus ou moins connus, indiquaient le « 57ème Festival de Jazz de Juans-les-Pins ». C’était pour bientôt, apparemment, mais les échafaudages métalliques n’étaient pas encore intégralement pourvus de leurs chaises bleues.

En avançant encore, je suis tombée sur un manège. Etonnée que ces vieilles attractions aient toujours autant de succès, je me suis pourtant rendu compte que, si quasiment tous les animaux, avions ou bateaux en résine étaient occupés par des enfants, les parents, eux, se massaient ailleurs. Ils relevaient souvent la tête pour répondre et sourire aux appels exigeants de leur progéniture, mais ils semblaient plus intéressés par quelque chose, par terre.

J’étais sur le point de passer mon chemin quand un son s’est fait entendre. Une note, puis deux, puis trois. Une harmonie singulière, un rythme travaillé, un timbre inimitable. Quelqu’un jouait du hang drum. Et ce quelqu’un n’était pas un débutant !

Intriguée, je me suis approchée. Au cœur du cercle formé par les parents et sans doute d’autres touristes, une jeune femme, blonde, aux cheveux attachés et au crâne rasé sur le côté droit. Elle était assise à même le sol, son instrument parfaitement calé sur ses jambes en tailleur. Ses bras nus et sa nuque affichaient un superbe tatouage fleuri aux couleurs délicates qui dansait au rythme de sa musique. Les yeux fermés, elle semblait possédée, lointaine.

Mon regard s’est accroché à ses doigts qui, très vite, m’ont plongée dans un état quasi hypnotique. J’en ai oublié, l’espace de quelques minutes, la ville surchargée, ma faim, la fatigue, mes égarements de l’après-midi, tout. Il n’y avait que les résonnances si particulières de ce curieux instrument.

Quand la jeune fille a cessé de jouer, s’est levée et a disparu dans la nuit agitée, son instrument sous le bras, je suis rentrée. Je me sentais apaisée.

Mais ce matin, mon estomac renie le fameux « qui dort dîne » !

Ni une ni deux, je décide de prendre mon petit déjeuner dehors. Les rues sont bien plus tranquilles qu’hier et la vision du bord de mer est à couper le souffle. Comme hier, je me laisse attirer par le ponton complètement désert. Aucun bateau à l’horizon, à part les quelques yachts qui sont restés au mouillage. L’eau ne frémit même pas. Aux pieds des piliers immergés, quelques bans de poissons – des oblades, si je ne m’abuse – profitent de la sérénité matinale.

Le souvenir de ce nom, « oblade », murmuré à mon oreille, m’arrache un frisson. A moins que ce ne soit ce petit air marin…

Je coupe court à ces réflexions importunes en revenant à mes moutons : j’ai faim. Oui, enfin… surtout de nourriture.

A quelques mètres de là, les plagistes s’agitent mais ne semblent pas encore ouverts au public. Heureusement, juste au-dessus, une brasserie accueille les touristes les plus matinaux. Je m’y installe et commande un café et un croissant que je savoure en observant une mouette se pavaner sur le parapet de la plage. La mer est si calme qu’elle ne fait pas de bruit. Les seules vagues que l’on perçoit sont les échos des voitures qui ponctuent la tranquillité ambiante.

C’est sans doute le seul moment de la journée que je peux vraiment considérer comme reposant dans cette ville qui ne dort jamais. La sieste d’hier et cette nuit sans rêve m’ont visiblement été bénéfiques : pour la première fois depuis bien longtemps, je me sens détendue. Du moins, c’était le cas jusqu’à voir au loin un petit bateau jaune sortir du port. Malgré moi, je le fixe. Il traverse la baie en longeant les bouées jaunes qui délimitent la zone de baignade et s’engage dans le chenal. Quand il s’apprête à apponter, quelque chose me remue les entrailles. Une faim que le croissant n’a pas comblée.

Pieds nus, Roxane enjambe acrobatiquement le garde-fou de son bateau pour sauter lestement sur le béton du ponton que mes pas foulaient tout à l’heure encore. Aujourd’hui, elle porte un bermuda vert et un marcel blanc qui souligne la fine musculature de ses bras. Elle est vraiment très belle.

Je m’étonne de voir mon corps réagir encore aussi violemment. Ce désir me semble complètement irrationnel ce matin. Il est plus facile de le faire taire quand elle est à distance. C’est une inconnue et je suis une inconnue pour elle. Aussi excitant que puisse être une rencontre de ce genre, elle ne présage rien de concret, rien de sérieux. Et j’ai mieux à faire de ces vacances que de me prendre la tête avec des béguins adolescents. Si seulement j’étais tombée sur une distraction purement physique, sans conséquence… Mais j’ai bien trop peur de me brûler à ce personnage tout en mystère et en sensualité. Je dois pouvoir me protéger de cette fascination dévorante. Il faut que je reste loin d’elle.

Sans plus attendre, je me dirige d’un pas décidé vers l’office de tourisme. L’objectif : trouver une distraction efficace, quelque chose de physique, qui libère suffisamment d’endorphines pour apaiser un peu ce traître de corps !

La jeune femme qui s’occupe de moi me propose une sortie en paddle ou en kayak. Les gens qui rament debout sur une planche me font trop rire pour que je m’y essaie, mais l’idée du kayak me tente bien. Voilà de quoi me changer les idées.

En quelques minutes de marche, j’arrive au port Gallice où une équipe de jeunes gens me loue tout le matériel nécessaire. En un instant, me voilà à l’eau. La mer est toujours d’huile mais le soleil tape déjà. J’ai précautionneusement enduit chaque centimètre carré de ma peau de crème et j’espère que cela suffira…

La petite embarcation glisse presque sans effort et je me prends au jeu. Je slalome entre les bateaux au mouillage le long du cap et je gagne la pointe en un temps que j’imagine record. L’eau qui glisse le long de ma pagaie vient mouiller mon t-shirt et je suis presque intégralement trempée, de sueur autant que d’eau de mer, mais l’effort et le soleil ont raison de moi. Sans même rentrer dans la baie, j’envoie mon kayak s’échouer dans une toute petite crique surplombée par une énorme villa blanche. Si j’ai bien enregistré les commentaires de Vic, il doit s’agir d’une propriété appartenant à l’heureux actionnaire majoritaire de la marque BMW.

Le terrain est clôturé mais la crique et l’esplanade rocheuse qui surplombe l’aiguille du cap sont accessibles. Le kayak est léger. Je le fais glisser délicatement sur la terre ferme jusqu’à ce qu’il soit stabilisé. Il n’y a personne autour. J’en profite pour plonger toute habillée. L’eau est si limpide qu’on se croirait dans les Caraïbes. Elle est presque trop chaude pour bien me rafraîchir, mais je me régale de pouvoir nager loin de tous les touristes qui s’agglutinent sur les plages de Juan les Pins.

Pendant quelques minutes, je barbotte dans l’eau tiède. Curieuse, j’essaie de faire la planche, mais même s’il n’y a pas la plus petite vague à l’horizon, je ne suis pas très douée : je flotte quelques secondes avant de sentir mon arrière-train sombrer, inévitablement suivi par le reste de ma submersible personne. Dépitée mais le sourire aux lèvres, je finis par sortir et m’ébrouer sans la moindre classe.

Un petit sentier contourne la propriété en zigzaguant. Comme je m’y engage, je vois le bateau jaune contourner la pointe du cap. Je déambule le long du petit chemin bétonné jusqu’à ce que le bateau se rapproche un peu trop à mon goût de la côte. Pendant une seconde, l’idée de me cacher m’effleure, mais il n’y a pas un buisson ici, et je n’ai pas à me cacher. Je suis une adulte et je n’ai pas fait de bêtise, bon sang !

Vic est aux commandes et je ne vois pas Roxane. Sans doute est-elle dans la cale en train de nommer les poissons aux passagers. Rassurée, je m’assois au sommet d’un rocher. Je laisse mes pieds infuser dans l’eau et me laisse bercer par les remous lents qui caressent plus qu’ils ne heurtent les parois poreuses de la côte. Il n’y a presque pas de vent, à peine un petit air qui maintient la température supportable. Aux alentours, la roche fendue, parfois sur plusieurs dizaines de mètres, lâche des petits gargouillis qui résonnent dans des cavités invisibles. L’endroit est paisible. Je m’y sens merveilleusement bien.

J’aurais pu rester là indéfiniment mais au bout de quelques minutes, je sens le sel qui commence à tirer sur ma peau. Je crains que les effets de la crème solaire ne soient pas très résistants à l’eau de mer, aussi, je me décide à rentrer, non sans avoir, à nouveau plongé aussi gracieusement que possible dans l’eau claire.

Quand je remets mon kayak à l’eau, le Visiobulle est déjà sorti de la baie. Il ramène son lot de touristes pour charger le suivant. Distraitement, je laisse mon kayak tergiverser entre les quelques bateaux venus s’ancrer dans ces eaux claires et je regarde d’un œil amusé les gens qui y petit-déjeunent ou qui se baignent déjà. Sur les ponts avant ou arrière, des femmes et des jeunes filles bronzent pendant que quelques hommes essaient de pêcher. Sans vouloir les déranger, et consciente du soleil qui commence sévèrement à cogner, je sors à mon tour de la baie. En passant la pointe du cap, je dis mentalement au revoir au rocher qui m’accueillait tout à l’heure, en lui promettant de revenir prochainement.

Dans la baie de Juan les Pins, je remarque un peu plus de mouvement : quelques petites voiles ponctuent l’horizon et des jets-skis agitent la surface. Les gros yachts sont toujours là, impassibles et prétentieux. Malgré moi, mes yeux s’arrêtent sur le bateau jaune qui se dirige à nouveau vers… moi.

Ils ont déjà contourné l’Eclispe, l’énorme yacht d’Abramovitch, et ils se dirigent tout droit vers l’hôtel Eden Roc que je suis en train de longer. Même s’il y a peu de chance qu’ils me reconnaissent sur le kayak, j’accélère jusqu’à ce que mes bras me fassent mal. Concentrée sur ma pagaie, je ne relève la tête que pour constater ma victoire. Le bateau jaune est bien derrière moi et me tourne le dos. De loin, je reconnais la finesse et les mèches blondes de Roxane aux manettes. Vic circule d’un groupe à l’autre sur le bateau. Il parle avec les mains et plaisante beaucoup, visiblement. Il y a une autre silhouette qu’il me semble reconnaître…

Une grosse carapace métallique sanglée dans le dos, svelte et blonde également, le crâne partiellement rasé, la jeune femme tatouée que j’ai vu hier soir dans la pinède s’avance sur le pont. Apparemment, son hang drum ne la quitte jamais ! Je souris de cette faible coïncidence et m’apprête à reprendre ma route quand je la vois, sans préambule, faire ce que je n’ai jamais osé hier : grimper les marches du poste de pilotage.

Pendant une seconde, j’oublie que je suis sur un kayak et je manque de me renverser en essayant maladroitement de me lever d’indignation. Incrédule, je l’observe s’accouder sur la rambarde et entamer une conversation avec la capitaine. Le bateau s’éloigne trop lentement pour que je ne me laisse pas submerger par la colère… et trop vite pour que j’envisage très sérieusement de les rejoindre à la rame !

En les regardant s’éloigner, j’essaie de relativiser sans y parvenir. Est-ce sa main que je vois s’approcher de Roxane ? Ai-je la berlue ou bien est-elle vraiment en train de la toucher ? Impossible de distinguer clairement d’ici mais mes entrailles labourées ne me laissent pas le choix. D’un coup de bras décidé, je me dirige aussi vite que possible vers le port Gallice. Si je rends le kayak rapidement, je peux peut-être arriver au ponton pour le retour du bateau…

Quand j’atteins le rivage, mes bras sont engourdis par l’effort. Ils sont si douloureux que je n’arrive même pas à tirer le kayak hors de l’eau. Le jeune homme qui vient m’aider me fait remarquer que j’aurais dû mettre de la crème solaire. Ce n’est qu’en payant la location et en me changeant que je remarque les horribles rougeurs qui me recouvrent. Pas le temps de me tartiner à nouveau. En quittant le port, je constate que le bateau est déjà sorti de la baie. Il lui faudra dix bonnes minutes pour regagner le ponton. Sans hésiter, je me mets à courir.

Sur mes épaules, la sangle de mon sac frotte contre ma peau brûlée. La sensation pour le moins désagréable me fait reprendre mes esprits. Je n’ai presque plus de souffle et je maintient un rythme de marche rapide pendant que mon cerveau fait le grand écart : pourquoi diable réagir aussi violemment ? Est-ce de la jalousie ? De la curiosité ? De la fierté mal placée ? En quoi l’intimité de cette presque inconnue me concerne-t-elle ? Peut-être la connaît-elle ? Peut-être est-ce sa sœur, ou une amie ?

Comme je récupère le bord de mer, je constate que le bateau et moi sommes quasiment au même niveau. Le ponton n’est plus qu’à quelques dizaines de mètres. Involontairement, j’accélère. Quand ils s’engagent dans le chenal, je m’avance sur le ponton. Pour la seconde fois de la matinée, je dois faire taire une furieuse envie de me cacher. Mais la curiosité prend le dessus. Dans un rituel élégamment exécuté, Vic escalade le garde-fou et saute lestement sur le ponton pour attacher l’amarre avant, puis l’arrière. Roxane reste concentrée jusqu’à ce que son bateau soit solidement relié au plancher des vaches. Dès que c’est chose faite, elle s’apprête à rejoindre son marin pour l’aider à faire descendre les passagers. Mais la jeune femme blonde est encore là. Elle obstrue les marches de son instrument volumineux qui lui donne des airs de tortue ninja.

Vic n’attend pas. D’un coup d’œil entendu à sa coéquipière, il accroche son plus beau sourire à ses lèvres et aide les passagers à passer sur le ponton en les remerciant chaleureusement pour les pourboires déposés au toucher du pompon. Mon attention se reporte à la cabine de pilotage.

Roxane discute avec la musicienne-tortue-ninja. Elle semble mal à l’aise mais quand la jeune femme monte une marche et s’approche d’elle, elle ne bouge pas. Quand la main de la jeune femme tatouée vient caresser son bras, elle ne bouge pas. Quand elle vient cueillir un baiser sur sa bouche, elle ne bouge toujours pas.

Sur le ponton, les passagers vont et viennent autour de moi. Pétrifiée, je ne les vois pas, ne les entends pas. Le beau visage de Roxane s’est vidé de toute expression. Les yeux dans le vague, le corps immobile, elle me paraît bien plus pâle qu’hier. En face d’elle, la jeune femme lui dit quelque chose en passant ses mains autour de son visage. Je ne peux pas entendre ses propos et la belle capitaine la regarde enfin.

Le nœud qui s’était formé dans mon ventre menace soudain de déchirer ma cage thoracique. Le regard de Roxane semble complètement perdu. Quand son interlocutrice l’embrasse à nouveau, elle se laisse faire. Mon corps, lui, tremble d’impuissance. J’ai envie de hurler. J’ai brusquement l’impression d’avoir été volée : c’était mon baiser ! ça devrait être mes mains sur son visage, mon corps contre le sien ! Pourquoi en ai-je tant envie ? Que m’arrive-t-il ? D’où vient ce sentiment mordant de trahison ? Elle a le droit de… de faire tout ce qu’elle veut avec une autre. Elle ne me connaît pas. Je ne la connais pas. Sont-elles en couple ? Pourquoi m’aurait-elle fait croire que… Mais sans doute ne m’a-t-elle rien fait croire. Comment ai-je pu me laisser aller à imaginer… à espérer… Quelque chose se brise à l’intérieur de moi : craquement sinistre, douleur et éparpillement.

Mes yeux impudiques ne perdent rien de leur étreinte. L’autre a pris possession de son corps. Ses mains sont passées de son visage à ses hanches, de ses hanches à son dos, de son dos à ses fesses. Quand d’une pression ferme, elle plaque leurs bassins l’un contre l’autre, Roxane s’anime soudain. Brutalement, elle repousse la belle blonde et lui dit quelque chose sèchement. Comme l’autre s’avance à nouveau, elle crie un « Non ! » que j’entends bien, cette fois.

D’un haussement d’épaules, la jeune femme se retourne et descend du bateau sans regarder derrière elle. Elle traverse le petit attroupement de touristes qui attendent de pouvoir embarquer et quand elle passe auprès de moi, ses yeux d’acier me détaillent des pieds à la tête. Je me sens nue, tout à coup. Pendant une seconde, j’ai la désagréable impression d’être un morceau de viande, comme dans ces bars qui ne sont fréquentés que par des célibataires en quête d’un coup d’un soir. Je ne prête aucune attention à son sourire. Je veux la rayer de mon paysage, de ma mémoire.

Vic fait monter la nouvelle vague de passagers et Roxane s’apprête à le retrouver quand elle croise mon regard. La surprise sur son beau visage n’est pas feinte. Elle s’éclaire. Je suis seule au beau milieu du ponton et je me fais l’impression d’être une voyeuse. J’aurais envie de m’enterrer. Me détourner ne servirait à rien. Sans savoir quelle attitude adopter, je soutiens son regard dans un demi-sourire. Instantanément, elle rougit. Et elle me sourit. En quelques bonds, elle me rejoint sur le ponton. Instinctivement, sa main effleure mon bras pour le saisir, mais elle s’abstient.

« Bonjour, Lise », me dit-elle en laissant retomber sa main. La caresse de ses doigts brûle ma peau et m’arrache un frisson.

« Roxane… ». Son prénom s’étrangle dans ma gorge. Elle danse d’un pied sur l’autre, cherchant visiblement quelque chose à dire. Un silence gêné s’installe. Elle passe nerveusement ses doigts dans ses cheveux et ébouriffe un peu plus ses mèches rebelles. Elle est à croquer et ses joues n’en finissent pas de s’empourprer. En baissant un regard sur mes épaules, elle se lance : « Vous… êtes toute rouge ».

Si je suis déstabilisée par sa remarque, je tâche de n’en rien laisser paraître. Du tac-au-tac, je réponds un courageux « Vous aussi ! », et elle rougit de plus belle.

– Vous… vous venez faire ce tour ? », me demande-t-elle en replantant ses yeux dans les miens. « Comme Vic vous l’a dit, vous avez gagné un tour gratuit… »

Son petit sourire timide me retourne complètement. Je fonds. Elle me tend une main que je ne peux pas refuser…

Et en attendant la suite, deux morceaux de hang drum que j’aime beaucoup… histoire de vous faire patienter ! 😉 

Morceau 1

Morceau 2


Chapitre 5

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