Du côté de chez soi (partie 11) POISSON D’AVRIL !

XIX

Camille s’était éclipsée deux bonnes heures, mais elle espérait secrètement que personne n’aurait remarqué son absence. Elle savait pouvoir compter sur la discrétion de ses secrétaires sans même avoir à le leur demander. Les déjeuners professionnels représentaient une bonne partie de son travail : inviter un client à déjeuner était le privilège et le devoir de tout bon commercial. Pourtant, Camille était déjà en train d’essayer de libérer ce créneau aussi souvent que possible, pour cette semaine et les suivantes. Il faudrait qu’elle demande à Nadine de ne maintenir que les déjeuner vraiment essentiels. Elle voulait passer le plus de temps possible avec Raphaëlle. Elle était prête à tout pour cela.

Son corps ne s’était toujours pas remis de leur étreinte. Elle vibrait encore de ses baisers, de ses caresses, de sa langue et de ses doigts qui l’avaient parcourue, reconnue, embrasée. Elle le savait, elle ne pouvait désormais plus vivre sans les frissons de désir que la jeune femme éveillait en elle.

Quand elle arriva sur le parking, elle aperçut la silhouette singulière d’Anne qui traversait la cours pour aller se perdre derrière le bâtiment C, où s’effectuait le conditionnement. La grande blonde marchait vite. Elle retourna furtivement la tête avant de s’engouffrer dans l’ombre du bâtiment.

Intriguée, Camille sortit de sa voiture et traversa la cours à son tour. Que pouvait bien faire sa nouvelle secrétaire dans ce recoin où l’on n’entreposait que de vieux bidons inutilisables attendant d’être recyclés ? Pendant une seconde, Camille eut l’impression de retrouver son âme d’enfant, une enfant à l’esprit trop imaginatif, qui voyait des mystères là où il n’y avait sans doute qu’une explication bassement terre-à-terre. Malgré sa tentative de rationalisation, Camille ralentit et se fit aussi discrète qu’une petite souris quand, à son tour, elle atteint le coin du bâtiment. Là, elle jeta un coup d’oeil furtif derrière le mur. Ce qu’elle y vit la laissa perplexe.

Anne, facilement identifiable, semblait tenir quelqu’un dans ses bras. Camille n’avait pas pu voir de qui il s’agissait. Elle ne distinguait pas la silhouette de l’autre personne, dissimulée par le corps imposant de sa secrétaire. Camille eut la désagréable impression de ne pas être à sa place. Elle se gronda intérieurement. Elle n’avait pas à en voir plus. Si Anne volait quelques minutes de son temps de travail pour… prendre du bon temps, elle se sentait la dernière personne à pouvoir lui en tenir rigueur. Néanmoins, sa curiosité la poussa à regarder une nouvelle fois. Cette fois-ci, Anne acculait l’autre contre le mur blanc du bâtiment. Elle enlaçait son corps dans un baiser sans équivoque et l’autre gémit en s’offrant davantage.

Camille en perdit sa mâchoire. Sous ses yeux, les bras de Nadine s’agrippaient à la grande blonde plantureuse. Leurs bouches se dévoraient littéralement et, dans un élan de désir, Anne souleva le corps de son amante comme s’il s’agissait d’un fétu de paille. Nadine l’enserra de ses jambes et leur étreinte se fit fusion.

Camille était sciée, incapable de croire en ce que ses yeux lui donnaient à voir. Comment avait-elle pu être aussi aveugle ? Brusquement, tout lui revint en mémoire. La complicité presque immédiate des deux femmes, leur façon si bienveillante de s’adresser l’une à l’autre – Nadine ne s’était jusque là montrée bienveillante qu’avec elle – et cette curieuse invitation de vendredi soir qui devait les réunir… Sans doute envisageaient-elles de la surprendre… Et pour le coup, la surprise était de taille !

Camille n’arrivait pas à détacher son regard de ses deux secrétaires. Et quelle ne fut pas sa stupeur quand elle constata que leur désir l’excitait, elle aussi ! Les voir ainsi, aussi différentes en âge, en taille, en apparence… et aussi intimes… Camille savait qu’elle n’avait pas le droit de les observer, pourtant, elle ne pouvait s’en empêcher.

Les mains d’Anne parcourait frénétiquement le corps tendu de Nadine et leurs bouches ne se quittaient pas. Quand Anne commença à soulever la robe longue de la vieille dame,  elles reprirent leur souffle, comme on prend de l’élan avant de se lancer dans une course folle. Puis, sans crier gare, elles crièrent d’une même voix :

« POISSON D’AVRIL ! »

Ne m’en veuillez pas… J’aurais pu faire bien pire… Ma femme avait suggéré que je vous annonce la fin de ce blog (et donc de l’histoire en cours)…

Je vous souhaite à toutes et tous une très belle journée, pleine d’amour, de plaisir, de farces innocentes et de surprises ! Riez de poissons, riez de ce mois d’avril, riez de tout ce qui émeut et qui trouble. Riez et aimez autant que vous le pourrez, toujours !

Des bises à toutes les buses ! (pardonnez ce mauvais jeu de mots aussi… 😉 )

Image : extrait et hommage à la BD Le bleu est une couleur chaude, de Julie Maroh

11 commentaires

  1. Et moi qui croyais en une véritable suite ? ! ……
    Mais j’ai beaucoup apprécié le poisson ! ….. Quelle imagination ! …..
    Merci et à plus pour une prochaine lecture….. belle « terra-nova »

    J’aime

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