Dévotion thérapeutique

Chut… Tu as promis de jouer le jeu. Tu as promis de ne rien dire, ne pas bouger, te laisser faire. Tu dois pouvoir me faire confiance. Tu dois pouvoir t’abandonner pour que je puisse être efficace. De mon côté, j’ai promis aussi. Je resterai sage. Je ne m’enflammerai pas de désir à la vue de ton corps nu, au contact de ta peau. Je ne suis en cette heure que l’instrument de ton bien-être asexué.

J’ai monté la table, l’ai recouverte d’une serviette chaude. Tu n’as plus qu’à t’allonger, sur le ventre d’abord. Là, comme ça. Pas de fausse pudeur entre nous évidemment, mais je te recouvre le dos et les fesses pour que tu restes bien au chaud. Avant de commencer, un baiser, une caresse, un sourire. Me voilà chargée de toute l’énergie nécessaire.

Je débouche le flacon d’huile et j’imprègne mes mains du précieux liquide. Je le réchauffe un peu avant de poser délicatement mes paumes sur tes cuisses, puis mes doigts. J’étale dans un premier temps l’huile en prenant soin de ne pas te faire sursauter en arrivant sur tes fesses. Je l’étale soigneusement jusqu’aux creux de tes genoux que j’éviterai de perturber. Je les dépasse et répends l’excédent d’huile sur tes mollets délicats.

Quand je reviens sur tes cuisses, mes mains savent ce qu’elles ont à faire. Lentement, elles entreprennent de masser tour à tour chacun de tes muscles, en profondeur. Je sais que le massage des cuisses n’est pas la partie la plus agréable, c’est pourquoi je commence ici, c’est pourquoi j’empiète sur tes fessiers qui, eux, reçoivent toujours mes doigts avec impatience. De mes pouces, je fais rouler ta chair alors que le reste de mes doigts caresse ta peau autour. Atténuer le travail de profondeur par une consolation de surface…

Tu ne dis pas un mot. Tu subis, patiemment.

Quand mes mains descendent sur tes mollets, tu frémis. Verbalement, je te rassure. Je sais que tu n’aimes pas qu’on touche à tes pieds. Mais encore une fois, mon but n’est pas de t’être désagréable, bien au contraire. Je ne ferai que ce que tu me laisseras faire. Je laisse mes doigts œuvrer et se plier aux caprices de ton corps. Ils lisent en toi mieux que toi-même. Ils devinent tes réactions avant toi, ils apprivoisent tes sensibilités et absorbent tes craintes pour soulager ce corps que tu négliges, comme tout un chacun. A chaque fois que j’achève le massage d’une zone, je caresse ta peau, les doigts tous légers, pour récompenser son consentement.

Pour remonter de tes pieds jusqu’à ton dos, je laisse courir les mains sur ton corps, pour ne pas interrompre le contact. D’une main, je rajoute un peu d’huile dans ma paume restée au creux de tes reins. A nouveau, je la réchauffe avant de l’étaler sur toute la surface de ton dos. Cette fois, le travail de tes muscles t’arrache un soupir de plaisir suivi d’un petit râle étouffé par la table. Partant des lombaires, mes doigts s’appliquent à leur tâche. En petits mouvements circulaires, réguliers, ils explorent aussi bien le sillon creusé par ta colonne que les courbes de tes côtes. Arrivés sur tes épaules, ils viennent d’abord soulager ta ceinture sous-scapulaire avant d’agripper toujours délicatement tes clavicules. De mes pouces, je masse patiemment la zone, depuis l’articulation de ton bras jusqu’à la base de ta nuque. Tu grognes de plaisir. En sourdine.

Mes mains reviennent en bas de ton dos, et cette fois, ce sont mes paumes qui te massent en profondeur. Elles remontent tout au long de ton dos et répètent leurs mouvements pendant quelques minutes. Puis c’est au tour de mes avant-bras de se poser entièrement sur toi. Les mains et les coudes joints, je les aligne avec ta colonne vertébrale et, comme on ouvre un compas, j’écarte mes coudes, imprimant à ta chair une nouvelle forme de soulagement. En arrivant à hauteur de tes épaules, je veille à ne pas trop écraser ta cage thoracique. La position saugrenue m’empêche de résister à la tentation de déposer un chaste baiser sur ta nuque. Je t’entends sourire, mais imperturbable, je poursuis.

Mes doigts courent maintenant sur ton bras gauche. Il me faut rajouter un peu d’huile encore. Là, c’est mieux. J’aime sentir tes muscles se relâcher sous la pression de ma main. J’aime constater que ton bras s’abandonne. Et ta main… Ton soupir de plaisir quand j’en masse la paume, quand je m’applique à détendre tour à tour chacun de tes doigts. Quand j’estime qu’elle est suffisamment molle, je l’embrasse et passe de l’autre côté. Tu anticipes mon geste et me tends ton bras droit. Tsss… ne bouge pas. Laisse-toi faire. En quelques minutes, le bras et la main droite s’abandonnent aussi. A nouveau, j’ose poser mes lèvres sur ta main.

J’entreprends alors de masser ta tête, aussi délicatement que possible. Il faut toujours être très prudent quand on masse un crâne. Et aucun crâne ne m’est plus précieux que le tien.

Je passe mes doigts dans tes cheveux, venant chercher tes tempes et remontant lentement jusqu’au sommet. De leurs extrémités, mes doigts cherchent d’abord à couvrir toute ta surface chevelue. La caresse est peu profonde, plus tendre qu’autre chose. J’aime passer mes doigts dans tes cheveux. Puis je m’atèle au réel soulagement. Mes doigts en peigne, je saisis tes cheveux à leur base et les tire très légèrement, comme pour décoller imperceptiblement ton cuir chevelu. Je répète quelques fois la chose puis te caresse à nouveau.

Tu ne bouges plus, ne parles plus…

Je viens chuchoter à ton oreille que tu dois te retourner si tu veux que je continue et de mauvaise grâce, tu t’exécutes en bougonnant. Je fais comme si je ne remarquais pas ton sourire, et j’use de toute ma bonne volonté pour ne pas arrêter mon regard sur tes seins, sur ton…

Non, concentration. Sage.

A nouveau, mes mains se posent sur ta tête et immédiatement tes yeux se referment dans un réflexe. Mes doigts courent autour de tes oreilles, descendent sur ton cou et viennent subtilement dénouer le haut de ta poitrine, cette zone de tension insoupçonnée sous les salières. Mes mains, innocentes, poursuivent leur course autour de tes seins, prenant scrupuleusement soin de ne pas effleurer tes tétons que je vois se durcir malgré mes efforts. Quand je cherche à fuir cette région tentatrice en ramenant mes doigts sur ta nuque, tu te saisis de mon poignet et…

Non…

Non…

On avait dit que…

Non… Je n’ai pas fini…

Tu…

Non ce n’est pas…

Oh et puis zut !

13 commentaires

  1. Première fois sur ce blog intriguant. Premier texte que je dévore des yeux. Au bout de quelques lignes seulement je retiens mon souffle, les battements de mon cœur s’accélèrent. Je continue à lire avec une délectation grandissante, les yeux rivés à mon écran, pétrifiée.
    Une lecture savoureuse, un moment de douceur, presque réel. Très beau texte, merci.

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  2. Et bien… que dire … enfin!
    Je suis tombé sur votre blog après bien des déceptions.
    Je vous remercie mille fois pour le contenu réfléchit de vos nouvelles ^^

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